samedi 14 juin 2008

Dans le métro II : Santeria.


240. C’est le nombre de fichiers que l’on peut enregistrer sur un shuffle.

240. C’est le nombre de morceaux que vous devez sélectionner pour inscrire dans le chrome la bande originale de votre quotidien palpitant.

Rester sur shuffle, c’est accepter que le hasard d’une puce digitale vous impose sa loi sonore.

240, c’est peu. Mais c’est trop pour ne jamais zapper sur la plage suivante, même si ce n’est pas du jeu. Parfois il y a des titres qu’on a vraiment envie de sauter. Juste parce que ce n’est pas le moment, ou parce qu’on a pas eu le temps de remplacer un morceau dépassé pour le remplacer par un nouvel élu (240 morceaux : les places sont chères), ou simplement parce qu’il faut parfois rappeler à la machine qui est le patron.

Mais il faut savoir s’imposer des limites. Ne jamais zapper deux fois à la suite : c’est ma règle. Parce que nous devons parfois souffrir pour assumer nos choix, quitte à subir trois ou quatre minutes de torture musicale, imposées par le shuffle et par celui qui était moi (ce moi qui a osé programmer ce titre moisi dans cette compilation que se voulait idéale).

14h25, c’est le moment.

48°51’07.20N 2°22’06.38E, c’est l’endroit. Station Bastille. Le quai de la ligne 1. Un court passage à ciel ouvert pour s’inquiéter de la météo et admirer les bateaux sur le canal.

Le déjeuner s’est éternisé et je suis pressé de regagner la base enterrée, à un bond de métro d'ici.

Le réseau. C’est comme ça que nous appelons ces endroits. Les couloirs, les escaliers, les tunnels. Des lieux de transit confinés, où dans leur concentration excessive les corps et les âmes se croisent à grande vitesse. Conjonctions d’un nano-instant t, inexistantes à t-1 et définitivement envolées à t+1. Dans cet étrange réacteur, les destins qui s’imbriquent et s’entrechoquent créent une énergie particulière. Une énergie que vous avez forcément déjà ressentie.

Ici plus qu’ailleurs, le hasard a son mot à dire.

Eso te paso por no saber que todo tiene su precio, atrevido. Eso te paso por no sabe, atrevido.

Le premier signal vient du shuffle. Orishas.

Atrevido, un morceau servi par le random, qui, isolé, n’aurait rien d’un message. Mais c’est à ce moment que je le croise.

Un succube tout droit sorti d’un bestiaire moyenâgeux. Un concentré de luxure enfermé de un corps modifié, plus voluptueux que celui d’une femme. Ses traits indiens se cachent péniblement derrière l’expérience ratée d’un plasticien clandestin certainement rayé depuis longtemps des listes officielles (même dans le pays du tiers-monde où ce vilain charcutage a dû avoir lieu).

J’aurais pu le croire importé des bords de l’Amazone, mais un tatouage lui barre le bas des reins en lettres gothiques pour affirmer son appellation d’origine contrôlée de pur produit des caraïbes. Santero.

Santero…

Que viennent faire ici ces relents de magie cubaine ? S’agit-il d’une manifestation de l’énergie des destins et du hasard produite par le réseau, représentée pour l’occasion par les divinités de la santeria ? Si ces signes sont l’œuvre d’Eleggua pourquoi les adresse-t-il de manière si individuelle vers ma modeste personne ? A moins que d’autres shuffles ne se soient mis à jouer des morceaux du même groupe sur le trajet du cubain tatoué ?

Le trans me jette un regard emprunt de lubricité. Je l’ai tellement détaillé qu’il doit me prendre pour un de ces amateurs de surprises velues. Je le sens prêt à négocier, mais je le décourage d’un geste poli et discret.

J’ai lu quelque part que les orishas avait depuis longtemps pris possession d’internet. Apparemment, la santeria a étendu son influence sur cet autre réseau, peut-être par le biais des relais wifi. Qui sait ?

Désormais, avant de vous asseoir dans le métro, vérifiez bien qu’il n’y ait pas un poulet décapité sous votre siège. C’est plus prudent.

samedi 7 juin 2008

Dans le métro.


Source : Yoyo (blogencommun.fr, 3 juin 2008).

La Ligue vous recommande quelques blogs et sites sur le thème du métro...

La carte des stations de métro des blogs parisiens : ici.

Blog en commun : juste .

Lili dans le métro.
Le Blog des aventures de SuperTonin, musicien dans le métro...

Brèves de métro.

Histoire du ticket de métro.

Nues dans le métro : fantaisies souterraines.

Un passionné nous parle.





Source : JamAbelanet (Fantaisies souterraines).

jeudi 5 juin 2008

L'échelle de Sjöberg.

Secrets of the 7 Basic Blog Posts

In the spirit of oversimplifying things so that you can smugly shove human endeavors into pre-labeled slots, I'd like to present my own, contemporary take on this premise: the Seven Basic Blog Posts.

1. Be upset!

2. Buy a thing!

3. Animals are cute!

4. People are dumb!

5. Something I like, only different!

6. Weird science!

7. Me, the blogger!


Théorie à lire dans le détail : ici.


Source : Wired (Lore Sjöberg , 4 juin 2008).

dimanche 1 juin 2008

Code Source.



Café branché. Espresso en zone wi-fi.

Je dézippe la gaine Codex de chez Moshi, seconde peau du MacBook boosté à bloc sous sa carrosserie noir mat. Boot ultra rapide. Fond d’écran bad cop Mackey. L’airport accroche la borne sans problème. Trop facile. Je jubile. Une bouffée de bonheur : sûrement l’enthousiasme enfantin que procure la pomme à ses adeptes les plus récemment convertis.

Amazon. Je me logue sur mon espace personnel. L’interface m’analyse, au fil du temps, pour mieux me vampiriser. Le racolage est ciblé, chirurgical. Numéro VISA déjà en mémoire dans un recoin que j’espère sécurisé de la base de donnée, à un clic du débit.

“Nous revenons comme des ombres”. Recommandé parce que vous avez achetez “rêves de frontière”. Vous l’avez déjà ? Vous n’êtes pas intéressé ?

“Misères du désir”. Recommandé parce que vous avez acheté “Socrate à Saint-Tropez : texticules”. Je l’ai déjà. Clic.

En coulisse, la structure informatique du module réagit comme un Tetris. L’amazone me connaît toujours plus, toujours mieux. Instantanément, la vitrine virtuelle change de visage pour anticiper mes désirs. La nouvelle liste de propositions mise à jour se déroule et m’aguiche.

“Code source”. Recommandé parce que vous avez acheté “Identification des schémas”. Un nouveau Gibson... Je suis ferré, inutile de luter. Pour la forme, un petit tour sur la fiche produit. Pourquoi avoir traduit le titre original “Spook Country” ? On en crèvera de notre exception culturelle.

Depuis son dernier ouvrage, le visionnaire nous parle désormais au présent. Comme pour nous lancer un “je vous l’avais bien dit”. Notre monde a finalement rejoint le sien. Une boucle bouclée, une prophétie accomplie.

Un bon vers une interview exclusive du pape. Je retourne avec nostalgie au temps de Bobby le Comte Zéro, de Molly et du vaudou dans la matrice. Je la sens presque l’odeur des parties de Cyberpunk jusqu’au bout de la nuit. Sueur, sodas et sprits pour surfer sur la toile virtuelle si longtemps avant les autres.

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Source : Code Source (Spook Country, William Gibson 2008).

Sucrettes.


Il n’y a plus de fumée dans les bars.

Les accros se retrouvent et se draguent dehors, sur le trottoir. Désormais ils s’aimeront entre eux et ce sera très bien comme ça. Ils nous feront plein de petits bébés toxicos, jaunâtres et rabougris. Ce sera bien fait pour eux.

Il n’y a plus de fumée. Mais il y a toujours du bruit, des voix, des idées. De la philosophie de comptoir et de la sociologie de café du commerce comme disent ceux qui se croient plus philosophes et ou plus sociologues que les autres.

Il n’y a plus de fumée. Mais il y a toujours cette odeur de bière rance et de café chaud.

- Vous avez des sucrettes ?
- Oui monsieur.
- Alors un café s’il vous plaît.
- Avec des sucrettes ?
- D’après vous ?

Pour un homme qui s’estime viril et ne qui ne veut laisser aucun doute sur son hétérosexualité, demander ce genre d’accessoires de régime est une vraie torture. Rien que le nom. “Sucrettes”. Franchement.

- Vous avez de l’aspartame ?
- Quoi ?
- De l’édulcorant, du faux sucre, pour mettre dans le café.
- Des sucrettes ?
- Ouais, des sucrettes.